Aujourd'hui je fais ma paresseuse... mais attention, pas n'importe quelle paresseuse !
En fait, je vais parler d'un sujet mais avec l'analyse et les mots d'un autre.
Je vais simplement déposer ici quelques extraits piqués dans un article du "Télé Ciné Obs" (hebdo gratuit accompagnant le Nouvel Obs) qui raconte l'histoire de quelques chansons qui ont tatoué à jamais le paysage musical francophone, mais aussi anglophone pour l'une d'entre elles présentées ci dessous.
Cet extrait est issu du
Et si, comme moi, ces petites histoires vous passionnent ou aiguisent simplement votre curiosité, vous aurez tout le loisir d'en découvrir beaucoup d'autres, racontées par l'auteur lui-même, tous les dimanches d'été sur
Il était une fois...
Colchiques dans les prés
1943 - Eternelle feuille d'automne
"On croît avoir toujours connu "Colchiques dans les prés", apprenant d'ailleurs parfois que cette chanson s'intitule réellement "Automne". Il semble à tous que cette chanson est ancienne, née dans la nuit du peuple et du temps, et d'ailleurs beaucoup de disques pour enfants ou de recueils de chants la créditent "trad.". Or, "Colchiques dans les prés" n'est pas une chanson traditionnelle. Peu de gens savent, c'est une chanson de Francine Cockenpot et Jacqueline Claude. La chanson se désigne rapidement chez les Guides de France par les premiers mots de son couplet : "Colchiques dans les prés / Fleurissent, fleurissent / Colchiques dans les prés / C'est la fin de l'été."
C'est Germaine Sablon qui a présenté pour la première fois cette chanson sur scène, en plein été 1943, dans une représentation de théâtre aux armées à Alger. La mélodie a été inspirée par un air traditionnel russe, arrangé par Léo Poll (le père du futur Michel Polnareff). Ce statut de chanson à l'ancienne lui vaut d'être un succès immédiat, également repris par les chanteurs de variétés comme Jacques Douai, qui l'enregistre en 1947 (comme, 30 ans plus tard, Francis Cabrel), puis de voir se perdre ses origines et son histoire dans le brouillard de la mémoire collective.
Bill Haley and The Comets
1954 - Rock'n roll pour tout le monde
"Rock around The Clock" est le commencement d'une des plus phénoménales aventures de la culture populaire mondiale au XXe siècle : c'est le moment où le rock'n roll entre dans le panier de la ménagère. Les jeunes artistes de ces premières années 50 sont animés d'une sorte d'optimisme collectif, au diapason d'une Amérique entraînée dans une croissance et une modernisation phénoménale. La peur est collective : les Rouges vont avoir la Bombe et une autre guerre est possible. L'amérique a donc toutes les raisons de s'enivrer : l'euphorie et l'angoisse. Et sa jeunesse demande elle aussi des sensations fortes. C'est un peu par hasard que "Rock aroud The Clock" va devenir le symbole de cette explosion de plaisir et d'énergie. La chanson a été enregistrée par Bill Haley le 12 avril 1954. Il faut qu'elle soit choisie comme musique du générique du film "Blackboard Jungle" ("Graine de violence" en VF) pour qu'elle émerge vraiment, et elle le doit à un curieux concours de circonstances. Glenn Ford incarne le héros du film, un professeur confronté à la violence et aux attitudes "antisociales" d'un groupe de lycéens en rupture. Il emprunte la collection de disques de son fils Peter, qui a dix ans, pour y trouver un exemple de ce qu'écoute la jeunesse américaine de 1955 - ce sera "Rock around The Clock", qui reparaît en face A à la sortie du film. Le 9 juillet 1955, c'est le premier rock'n roll qui atteint la première place du Billboard Pop - le roi des classements. Il y restera 8 semaines.
Jacques Brel
1959 - Cinq notes et une défaite
Plusieurs hypothèse circules quant à la dédicataire de "Ne me quitte pas", la plus célèbre chanson de Jacques Brel. Suzanne Gabriello, qui fût pendant quelques années la compagne parisienne du chanteur, par ailleurs marié et père de famille à Bruxelles, a ouvertement revendiqué l'honneur de s'être ainsi fait supplier. Mais Brel lui même disait que cette chanson n'avait rien d'autobiographique, que "c'est l'histoire d'un con et d'un raté, ça n'a rien à voir avec une femme". Pour la première fois dans un tube de la chanson populaire francophone, un homme se traîne aux pieds d'une femme sublime. Quand Edith Piaf s'indigne de la chanson de Jacques Brel, c'est qu'elle n'imagine pas, elle-même, éprouver quelque attirance pour un homme qui ne correspond pas à son idée de la virilité. Mais le succès énorme de "Ne me quitte pas" signifie aussi que quelque chose a changé dans la société française. La chanson d'amour vient de subir une révolution : le mâle a cessé d'être toujours dominant.
Le Tourbillon
1962 - Le génie d'un irrégulier et d'une irrégulière
A l'époque, Serge Rezvani, l'auteur de le chanson, n'est pas encore écrivain. C'est un peintre dont la cote et la renommée enflent peu à peu, follement amoureux de Lula, son épouse et muse. Dans leur petit appartement bohème, ils occupent leurs soirées en improvisations et en fantaisies qui, peu à peu, constituent une sorte de répertoire très personnel. Ce sont des chansons aux drôles de formes et aux drôles de mots. Quand Truffaut prépare son "Jules et Jim", il pense à demander des chansons à Serge Gainsbourg, puis finalement demande à Rezvani l'autorisation de prendre son "Tourbillon". "Et il a souhaité que j'accompagne Jeanne sur trois notes, nous a-t-il dit. C'est ce que j'aime dans une chanson : qu'elle reste fragile, comme si elle était inachevée". Les sortilèges du "Tourbillon" tiennent pour une bonne part à cette fragilité, à la ligne de chant dont Jeanne Moreau ne maîtrise pas tout à fait les méandres, aux lacunes harmoniques et rythmiques de la guitare de Rezvani... On sent bien qu'il ne s'agit pas de professionnels, mais d'un "irrégulier" et d'une "irrégulière", comme on dit à l'époque dans le vocabulaire du music-hall. En 2004, plus de quarante ans après "Jules et Jim", Rezvani reprend sa guitare et, pour la première fois de sa vie, entre dans un studio pour enregistrer ses chansons. Pour la première fois, "Le Tourbillon" est chanté par un homme. Et Rezvani découvre la scène à presque quatre-vingts ans, en 2007.
Aux armes et caetera
Serge Gainsbourg
1979 - Gansbourg fait danser "La Marseillaise"
A Kingston, en Jamaïque, la veille de l'enregistrement des textes, Philippe Lerichomme (le directeur artistique de Serge Gainsbourg), quitte Gainsbourg, assis devant sont lit, sur lequel sont étalées des feuilles blanches portant chacune le titre d'une chanson ; le lendemain matin, tous les textes sont écrits.
Mais Gainsbourg veut aussi chanter "la Marseillaise". Avant de quitter Paris, il en a copié les paroles dans un Larousse qui, plutôt que de reprendre plusieurs fois le refrain in extenso, indique "aux armes, etc.". Les boucliers ne se lèvent guère à la sortie de l'album, mais seulement quelques mois plus tard. L'attaque la plus célèbre contre "Aux armes et caetera" est un article de Michel Droit dans le "Figaro Magazine" du 1er juin 1979, deux mois et demi après la sortie de l'album, qui l'accuse de faire le jeu de l'antisémitisme en profanant "la Marseillaise". Gainsbourg répondra en rappelant qu'il a porté l'étoile jaune dans son enfance. Lors de la courte tournée française que le chanteur accomplit en janvier 1980, il doit jouer à Strasbourg ; quelques dizaines d'anciens parachutistes s'installent aux premiers rangs, faisant savoir qu'ils n'entendent pas laisser profaner l'hymne national sans réagir. Les musiciens de Gainsbourg, effrayés par les menaces, ont déclaré forfait. Le chanteur se présente seul sur scène, explique pourquoi le concert n'aura pas lieu et chante "la Marseillaise" a capella, le poing dressé, devant des paras sidérés qui ne peuvent faire autrement que de se mettre au garde-à-vous.
Serge Gainsbourg
1979 - Gansbourg fait danser "La Marseillaise"
A Kingston, en Jamaïque, la veille de l'enregistrement des textes, Philippe Lerichomme (le directeur artistique de Serge Gainsbourg), quitte Gainsbourg, assis devant sont lit, sur lequel sont étalées des feuilles blanches portant chacune le titre d'une chanson ; le lendemain matin, tous les textes sont écrits.
Mais Gainsbourg veut aussi chanter "la Marseillaise". Avant de quitter Paris, il en a copié les paroles dans un Larousse qui, plutôt que de reprendre plusieurs fois le refrain in extenso, indique "aux armes, etc.". Les boucliers ne se lèvent guère à la sortie de l'album, mais seulement quelques mois plus tard. L'attaque la plus célèbre contre "Aux armes et caetera" est un article de Michel Droit dans le "Figaro Magazine" du 1er juin 1979, deux mois et demi après la sortie de l'album, qui l'accuse de faire le jeu de l'antisémitisme en profanant "la Marseillaise". Gainsbourg répondra en rappelant qu'il a porté l'étoile jaune dans son enfance. Lors de la courte tournée française que le chanteur accomplit en janvier 1980, il doit jouer à Strasbourg ; quelques dizaines d'anciens parachutistes s'installent aux premiers rangs, faisant savoir qu'ils n'entendent pas laisser profaner l'hymne national sans réagir. Les musiciens de Gainsbourg, effrayés par les menaces, ont déclaré forfait. Le chanteur se présente seul sur scène, explique pourquoi le concert n'aura pas lieu et chante "la Marseillaise" a capella, le poing dressé, devant des paras sidérés qui ne peuvent faire autrement que de se mettre au garde-à-vous.
Marcia Baïla
Les Rita Mitsouko
1984 - La révolution Rita Mitsouko
On discute souvent de savoir quand le rock a commencé en France - avec Boris Vian, avec les yé-yé, avec les punks ? Et si c'était avec "Marcia Baïla" ? On arguera que cette chanson n'est pas un rock, et donc n'est pas du rock. Et bien si, justement. Les Rita Mitsouko ont inventé un rock français, et peu importe qu'il ne ressemble pas beaucoup au rock des américains et anglais. Ce premier 33-tours du groupe passe presque inaperçu. Cela fait presque un an que le disque est sorti quand Virgin tente un 45-tours. C'est "Marcia Baïla". On saura plus tard que Marcia Moretto était une danseuse argentine avec qui le duo avait travaillé et qui est morte d'un cancer en 1981. Mais, dans l'immédiat, c'est un mystère pour les médias, comme tout ce qui concerne les Rita Mitsouko. Leur univers est totalement neuf : on peut invoquer le psychédélisme et les zazous, la fusion créole et le grand chaudron de la dance music, aucune référence n'est tout à fait pertinente. Pourtant, le 45-tours va se vendre à plus d'un million d'exemplaires, entraînant l'album "Rita Mitsouko" dans son sillage, la Sacem annonçant que, à ce moment là, "Marcia Baïla" est la chanson le plus souvent diffusée de toute l'histoire de la radio en France. C'est l'époque où les animateurs de télévision prennent l'air atterré devant les chapeaux de Catherine Ringer et s'adressent à elle en l'appelant "mademoiselle Rita Mitsouko".
Osez Joséphine
Alain Bashung
1991 - La mélodie s'efface
Bashung a commencé par poser sa voix de manière singulière : accent indéfinissable, timbre grave et nasal, diction chewingommeuse, mais surtout une manière de chanter qui néglige une partie de la mélodie.
Comment chanter "Osez Joséphine" au-delà de "Osez, osez Joséphine" ? Tout le texte des couplets est posé sur une mélodie lacunaire, construite pour se caler sur l'accompagnement musical et non sur le chant. Sans accompagnement, la chanson est inchantable, puisque l'on ne peut pas mettre bout à bout les mélodies sur lesquelles Bashung chante chacun de ses vers pour en faire une mélodie d'un couplet musicalement cohérent.
Essayez : "A l'arrière des berlines / On devine / Des monarques et leur figurines / Juste une paire de demi-dieux / Livrés à eux / Ils font des petits / ils font des envieux."
Quand Bashung enregistre "Osez Joséphine", c'est au terme d'un processus de doutes et d'hésitations particulièrement éprouvant. Il est peu à peu revenu à l'underground après le succès de "Gaby, oh Gaby" et "Vertiges de l'amour". A l'aube des années 1990, son potentiel commercial est retombé aux alentours de 20 000 exemplaires par album. L'Album "Osez Joséphine" se vendra finalement à plus de 400 000 exemplaires et marque le retour de Bashung au sommet. Il ne le quittera plus.
la suite sur vos ondes...
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